C’est la question que je me suis posée
le weekend passé en faisant le « Batwa trail » proposé par le Mount
Gahinga National Park (MGNP) en Ouganda, situé tout près de la frontière
congolaise de Bunagana.
De Kisoro à l’entrée du MGNP, le
paysage est magnifique. Il faut imaginer une route cahoteuse avec en toile de
fonds les volcans Muhabura (4127m), Gahinga (3474m) et Sabyinyo (3674m). Comme au Congo voisin, les
paysages sont champêtres : des petites maisons éparpillées dans des
collines au milieu de champs de pomme de terre. Par endroit, des bambous nous
rappellent que la forêt originelle n’est pas loin. La route se termine à
l’entrée du parc, dans la forêt au lieu-dit « Ntebeko » à 2 340 m
d’altitude.
Les formalités
accomplies, me voilà donc en train de m’enfoncer dans la forêt accompagnée par quatre (4) Batwa, un guide et un ranger armé
d’Uganda Wildlife Authority. D’entrée de jeu, mon attention se porte sur mes
guides Batwa, leur
aisance dans la forêt, leurs habits traditionnels, les traits de leurs
visages. Le plus vieux m’explique qu’il a connu la fameuse ethnologue
américaine Diane Fossey, qui était plus connue sous le nom de Nyiramacibiri.
Cette dernière étudiait les gorilles des montagnes avant qu’elle ne soit
assassinée dans la forêt en décembre1985
(dans la partie rwandais du parc).
Aujourd’hui son meurtre reste d’ailleurs
un mystère.
Pour en revenir à mes guides Batwa, ces derniers m’expliquent plusieurs
aspects de leur vie passée : comment transporter de l’eau dans des tiges de bambou,
comment chasser et piéger des animaux, comment faire du feu en frottant deux
morceaux de bois (en moins de 10 minutes !), comment ils habitaient en
forêt dans des campements temporaires, les plantes médicinales utilisée, leurs
musiques, leurs danses et le lieu ou leur chef tenait des réunions dans la
grotte de Garama.
Cependant, je ressens une certaine nostalgie et tristesse dans leurs
propos. En effet, depuis 1991, les Batwa n’ont plus le droit d’habiter leur
forêt. La cause ? La nécessaire protection des derniers gorilles des
montagnes. En effet, les autorités ougandaises ont considéré que leur présence
pouvait à terme mener à l’extinction des derniers gorilles des montagnes du
fait notamment de leurs activités de chasse (même si les Batwa ne chassent pas
les gorilles, ces derniers peuvent se retrouver piégés dans leurs pièges).
Les
profits substantiels liés à l’exploitation touristiques des derniers gorilles
des montagnes ne sont probablement pas étrangers à cette situation.
 |
Aujourd’hui, les Batwa vivent à la
périphérie du parc tout comme au Rwanda voisin. Ils doivent demander
l’autorisation aux autorités du parc pour pouvoir y rentrer à condition qu’ils
reviennent avant la nuit. La chasse n’est plus tolérée. Seules les activités de
cueillette (notamment de plantes médicinales) sont autorisées.Ce brusque changement de
mode de vie a eu des conséquences sur la vie des Batwa.
Outre leur diminution probablement
lié à la déforestation (un recensement de 1996 estimait le nombre de Batwa en
Ouganda à 2 000 individus seulement), certains ont sombré dans l’alcoolisme,
d’autres sont tombés dans l’extrême pauvreté, ne pouvant se convertir à
l’agriculture par manque de terres ou par inexpérience.
Le mépris aussi dont ils sont parfois victimes de la part d’autres
ethnies, n’a probablement pas aidé à améliorer leur sort (certains les
considérant comme des cannibales !) Comme pour les Amérindiens d’Amérique
du Nord, ils doivent lutter pour la survie de leurs traditions. Mais combien de
temps pourront-ils tenir ?
Aujourd’hui, en partenariat avec le Mount Gahinga National Park MGNP,
les Batwa font visiter aux touristes la forêt leur font connaître leurs savoirs et leur
culture. Le MGNP reverse d’ailleurs aux Batwa la moitié des recettes
touristiques générées par le Batwa trail (sur une entrée à 80$, 40$ sont
reversés sur un compte bancaire géré par les Batwa). Avec l’encadrement du
MGNP, cela permet aux Batwa d’acquérir quelques terres.
Mais ces recettes sont
minimes car la plupart des touristes viennent pour les gorilles ou les volcans
et les recettes générées ne profitent pas de la même façon aux Batwa (une
petite partie des recettes finance des
projets communautaires).
Pour conclure, les Batwa s’accommodent
tant bien que mal de cette nouvelle vie hors de la forêt et les autorités
ougandaises, conscientes de leur fragilité, essaye de leur faire profiter du
tourisme. Mais en observant mes compagnons Batwa, j’avais comme l’impression de
le voir déracinés, rêvant à leur paradis
perdu… d’ailleurs, la survie des gorilles à bon dos, les Batwa ayant vécu des
millénaires à leurs côtés dans la forêt…
La question de la survie
des Batwa reste donc une question d’actualité en Ouganda et probablement dans toute
la région.
A suivre…
Esther NSAPU
|
Commentaires
Enregistrer un commentaire